UESCOM COMMUNITY

RETOUR...

Agression en RDC !Tout le monde entend parler du M23

DU POINT DE VUE DU DROIT INTERNATIONAL, PEUT-ON DIRE QUE LA RD CONGO EST ACTUELLEMNT AGRESSEE PAR LE RWANDA ?

La République Démocratique du Congo connait depuis deux décennies une situation de crise à l’Est du pays par les groupes armés. En novembre 2021, le groupe rebelle de M23 a repris les armes dans le Nord –Kivu du Congo, il est prétendu être soutenu par le Rwanda. Du point de point du droit international, peut-on dire que la RDC est actuellement agressée par le Rwanda ? Raison d’analyse de cet article.


Auteur (e) : Esther MBOYO KATAMU - Etudiante en Master 1 de Droit Public et Sciences Politiques à la FSJES Rabat-Agdal - Université Mohammed V
Article Publié le 03 Feb 2023 à 04:15 PM

Premiers Pas

Le droit international régit les rapports entre les Etats, et ces rapports peuvent être pacifiques ou conflictuels. Le droit onusien dispose des règles pour encadrer les rapports entre les Etats. Dans le cadre de notre travail, nous allons aborder le principe de non recours à la force consacré à l’art 2, § 4 de la Charte de ONU, et plus précisément la question d’agression du point de vue du droit international. Le recours à la force est prohibé en droit international, plus précisément en droit onusien qui donne lieu à l’intervention du Conseil de sécurité en cas de menace de la paix et de la sécurité internationale, en cas de menace ou d’agression d’un Etat contre un autre.
La notion de l’agression n’est pas définie par la Charte de l’ONU. Par contre, la résolution 3314 du 14 décembre 1974 de l’Assemblée Générale de l’ONU vient apporter la lumière sur cette notion.
L’intérêt de notre sujet est d’analyser et comprendre l’agression selon le droit international en rapport avec la situation du M23 en République Démocratique Congo et le soutien prétendu du Rwanda.
Notre problématique tourne autour de la question de savoir face à la situation actuelle si nous sommes devant une agression de la RDC par le Rwanda du point de vue du droit international. La méthode choisie pour ce travail est la théorie analytique du droit, prenant appui sur la jurisprudence, la résolution 3314, la Charte des Nations Unies et le Statut de Rome.

Cadre conceptuel et contextuel : La notion d’agression en Droit International

Dans cette première partie nous aborderons la question de l’agression dans son cadre conceptuel en droit international selon la charte onusienne et la Résolution 3314, d’une part, et selon le Statut de Rome sur la Cour Pénale internationale d’autre part.

Selon la Charte Onusienne et la Résolution 3314

D’après les dispositions de l’art 2, §4, les membres des Nations Unies doivent s’abstenir de recourir à la force dans leurs relations ou pour résoudre un différend. Mais ce principe ne peut s’appliquer dans le cadre d’une agression.

L’agression est considérée comme un cas extrême d’emploi de la force prohibée, circonstance justificative de la légitime défense.2 Selon les dispositions du droit onusien, le recours à la force peut être autorisé par le Conseil de Sécurité qu’en cas de menace contre la paix et la sécurité internationales. La question d’agression fait partie exactement de cette hypothèse, question de paix et sécurité. Le concept agression n’est pas détaillé clairement par la Charte, mais elle l’énonce dans son article 51.

La résolution 3314 vient mettre au clair ce concept ainsi que la jurisprudence dans l’arrêt de la C.I.J du 27 juin 1986 sur l’activité militaire et paramilitaire au Nicaragua. En effet, l’agression est définie par la résolution 3314 à son art. 1er comme suite: « L'agression est l'emploi de la force armée par un Etat contre la souveraineté, l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique d'un autre Etat, ou de toute autre manière incompatible avec la Charte des Nations Unies ».3

L’emploi de la force armée par un Etat en violation avec la Charte est une preuve suffisante d’une agression. En droit international, le recours à la force armée par un Etat constitue une forme grave de l’agression par opposition à toute autre mesure de force que peut utiliser un Etat. Si on s’arrête juste à la définition de l’agression donnée par l’article 1 et 2 de la résolution, cette hypothèse serait incomplète pour parler de l’agression.

L’article 3 de la Résolution 3314 avance les différentes formes que peut prendre une agression mais cette liste reste non exhaustive. Les conditions de l’acte d’agression sont :

  • L'invasion ou l'attaque du territoire d'un Etat par les forces armées d'un autre Etat, ou toute occupation militaire, même temporaire, résultant d'une telle invasion ou d'une telle attaque, ou toute annexion par l'emploi de la force du territoire ou d'une partie du territoire d'un autre Etat;
  • Le bombardement, par les forces armées d'un Etat, du territoire d'un autre Etat, ou l'emploi de toute arme par un Etat contre le territoire d'un autre Etat;
  • Le blocus des ports ou des côtes d'un Etat par les forces armées d'un autre Etat;
  • L'attaque par les forces armées d'un Etat contre les forces armées terrestres, navales ou aériennes, ou la marine et l'aviation civiles d'un autre Etat;
  • L'utilisation des forces armées d'un Etat qui sont stationnées sur le territoire d'un autre Etat avec l'accord de l'Etat d'accueil, contrairement aux conditions prévues dans l'accord ou toute prolongation de leur présence sur le territoire en question au-delà de la terminaison de l'accord
  • Le fait pour un Etat d'admettre que son territoire, qu'il a mis à la disposition d'un autre Etat, soit utilisé par ce dernier pour perpétrer un acte d'agression contre un Etat tiers;
  • L'envoi par un Etat ou en son nom de bandes ou de groupes armés, de forces irrégulières ou de mercenaires qui se livrent à des actes de force armée contre un autre Etat d'une gravité telle qu'ils équivalent aux actes énumérés ci-dessus, ou le fait de s'engager d'une manière substantielle dans une telle action.


Au regard de cette énumération, l’acte d’agression qui nous intéresse plus et qui est pertinent dans le cadre de notre sujet est celui de l’art 3, alinéa G , de la Résolution. Nous l’analyserons dans la seconde partie. Selon les différends exemples d’actes d’agression, nous retenons que l’agression peut être directe ou indirecte. L’hypothèse de l’agression est attachée à la question de souveraineté, l’intégrité territoriale d’un Etat, la paix et la sécurité.

Si l’usage premier de la force n’est qu’une simple présomption de l’agression, la légitime défense est invoquée pour justifier le recours à la force. 4 Cette notion est reconnue par le droit onusien mais elle est déterminée dans un cadre précis : en premier lieu, elle relève de l’art 51 de la Charte, c’est à la compétence du Conseil de sécurité, en second lieu la légitime défense suppose l’existence d’une agression armée.

La jurisprudence dans l’arrêt Nicaragua § 193, la Cour reconnait l’exception de la règle générale de l’interdiction à la force, et évoque le droit de légitime défense comme une éventualité face à une situation d’agression. Cette légitime défense peut être individuelle c’est-à -dire, exercée par l’Etat agressé, mais elle peut aussi être collective. Toutefois, seul l’Etat jugé victime de l’agression peut faire appel aux autres Etats pour une légitime défense collective. 5 Un Etat tout en recourant à la jurisprudence, doit faire preuve de la neutralité tout en respectant le principe de proportionnalité. La légitime défense peut prendre la forme préventive ; dans cette hypothèse, on parle de la légitime défense préventive. Toutefois la question de la légitime défense préventive reste un sujet controversé en droit international.

Dans le même contexte : Selon le Statut de Rome portant la CPI

La Cour Pénale Internationale est un organe qui dispose d’un cadre juridique distinct du droit onusien. La CPI est créé par le Conseille sécurité de l’ONU, et elle reste dans ; le système onusien.

En effet, la CPI est compétente en matière de jugement de personnes. Par contre, le droit onusien est consacré aux conflits des Etats. Ce qui nous intéresse ici c’est la définition de l’agression donnée par le Statut de Rome portant la CPI.

L’agression est présentée comme un crime touchant la Communauté internationale au même titre que les autres crimes cités aux termes de l’art. 5 du Statut, qui sont à la compétence de la Cour. L’article 8bis, à l’alinéa 1, du Statut de Rome définit l’agression comme : la planification, la préparation, le lancement ou l’exécution par une personne effectivement en mesure de contrôler ou de diriger l’action politique ou militaire d’un État, d’un acte d’agression qui, par sa nature, sa gravité et son ampleur, constitue une violation manifeste de la Charte des Nations Unies ». Alinéa 2, du même article, la définition donnée par la Résolution 3314 de l’ONU dans ses articles 1 ère et 3 ont été reprises.

Tout en analysant la disposition de l’art 8bis, alinéa 1, du Statut de Rome, l’acte de l’agressionconsiste en premier lieu à une planification, suivi d’une préparation enfin du lancement ou de l’exécution de l’acte. A cet effet, l’agression suppose un acte de prévision, d’anticipation qui consiste à toute une planification et préparation sur tout le plan possible en vue d’atteindrel’objectif et avoir un résultat précis. Cela suppose que le crime d’agression n’est pas un crime spontané mais préparé, réfléchi avant l’exécution.

Ce qui attire encore notre attention c’est l’auteur de l’acte de l’agression. En droit onusien, la responsabilité du crime d’agression est tournée vers l’Etat. En revanche, la particularité dans ladisposition du statut de Rome est que l’agression se réalise grâce à une personne effectivement en mesure de diriger l’action politique ou militaire d’un Etat. A ce niveau on ne parle plus uniquement de la responsabilité de l’Etat, mais de la responsabilité individuelle de l’auteur.

Par la lumière de ce qu’avance cet article, le crime d’agression ne peut être possible que grâce à un moteur politique ou militaire qui coordonne l’acte. C’est à ce point qu’intervient la compétence de la Cour pour juger les individus prétendument responsables des crimes énumérés à l’article 5, en l’occurrence le crime d’agression.

Dans la seconde partie nous analyserons l’action du M23 en RDC et le soutien prétendu du Rwanda au groupe rebelle.

Le Rwanda face à l’action du M23 en RDC

Dans cette seconde partie nous allons analyser la question de l’agression, le soutien prétendu du Rwanda face à l’action du M23. Nous analyserons les allégations des parties et la qualification du soutien prétendu par le Rwanda au M 23.

Les allégations des parties

*

Avant d’aborder la question du Rwanda et l’action du M23 en RDC, nous voulons revenir sur l’histoire de savoir qui est le M23 en République Démocratique du Congo.

Le M23, est constitué des anciens combattants de la rébellion tutsie congolaise du CNDP (Congrès national pour la défense du peuple) qui était dirigé par Laurent Kunda. Suite à un accord de paix conclut le 23mars 2009, d’ où le nom M 23, ces anciens combattants qui devraient être réintégrés dans les forces armées congolaises, se sont révoltés en avril 2012 au motif que l’accord du 23 mars 2009 n’a pas été respecté par le président Kabila qui devrait assurer la réintégration des anciens combattant du M23 dans l’armée. Suite aux négociations, en 2013, le M23 ont cessé leur action militaire. En novembre 2021, le M23 ont repris les combats. Le groupe armé de M 23 réclame le respect de l’accord conclut en 2009, le maintien des officiers de l’ancienne rébellion dans leur garde et de rester à l’Est de la RDC précisément dans le Kivu qui est leur territoire d’origine.

Suite à la reprise des combats à l’Est de la RDC, le président de la République Démocratique du Congo Félix TSHISEKEDI a accusé le Rwanda devant les Nations –Unies d’agression militaire directe et d’occupation le mardi 20 septembre 2022. Kinshasa accuse le Rwanda de soutenir le M23 sur le plan matériel en munition que par de troupes humaines mais aussi la présence même des forces rwandaises qui occupent des localités de la province de Nord-Kivu. Le Rwanda est également accusé d’avoir abattu un hélicoptère de l’ONU en mars dernier, qui a fait morts des casques bleus. Cet acte est qualifié « de crime de guerre ». Si la République Démocratique du Congo accuse le Rwanda, ce dernier dément depuis toujours les allégations de Kinshasa et rejette toute hypothèse du soutien du groupe armé M23.

En août dernier un rapport des experts de l’ONU (rapport (confidentiel) que le journal le « Monde » s’est procuré, contient des preuves du Soutien du Rwanda au M 23. Dans ce rapport les experts de l’ONU accusent le Rwanda d’avoir eu des attaques contre les militaires congolais et d’avoir fourni et équipé le groupe rebelle du M23. Toujours, selon les experts de l’ONU après leurs inspections et images à leur disposition, les forces armées de la défense rwandaise se sont liguées soit conjointement ou unilatéralement aux attaques, opérations militaires contre lesgroupes armées congolaises et les forces armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) entre novembre 2021 et juillet 2022.

Le nouveau rapport des experts de l’ONU du 22 décembre 2022, qui est la suite du rapport du mois d’août dernier, procuré par RFI, la publication officielle est attendue. Dans ce rapport, les experts avancent l’existence des preuves substantielles d’une intervention directe de forces de la défense Rwandaise sur le territoire de la RD Congo.

D’ après le rapport des Nations-Unies, consulté par RFI, l’armée rwandaise a fourni des armes, des munitions et des fournitures au groupe M23 dans le cadre d’opérations militaires menées à l’Est de la RDC, au moins entre novembre et octobre 2022. Une précision de l’ONU.

Toujours d’ après les conclusions du rapport des experts mandatés par l’ ONU , les photos et vidéos de combattant du groupe M23 qui portaient des gilets pare-balles et d’ équipement militaire neuf , la circulation d’ artillerie montrée par les images , des images de drones de munitions et des nouvelles recrues sous le contrôle du M23 aux frontières du Rwanda et de l’Ouganda. Outre cela, les armes qui ne sont pas de l’arsenal des FRDC mais de l’armée Rwandaise ont été retrouvées dans une colline dans laquelle les forces de défense rwandaises ont eu à faire des opérations. Ce sont des preuves tangibles du soutien du Rwanda au M23.

Même après le rapport des experts de l’ONU, l’appel de cesser le soutien au M23 déclaré par la France, sans ignoré la position claire des Etats-Unis face à cette situation, le Rwanda continue à démentir son soutien au groupe armé M23. Voici ce affirme Kigali « Accuser le Rwanda de soutien au groupe armé congolais du M23 est faux, et détourne des causes réelles du conflit et de ses conséquences sur la sécurité des pays voisins », affirme Kigali. »

Cette situation demeure un réel problème international, dans la mesure où la partie accusée n’accepte pas les allégations avancées contre elle, même sur base de preuves procurées par les Nations-Unies, en même temps les combats continuent et la situation sécuritaire et humanitaire s’aggrave à l’Est de la République Démocratique du Congo.

Tentative de qualification du soutien prétendu du M23 par le Rwanda

Bien attendu que l’agression est considérée comme un crime du point de vue du droit international, elle peut être directe ou indirect, tenant compte des analyses et des preuves avancées par les experts de l’ONU en RD Congo peuvent- on qualifier le soutien du Rwanda au M 23 d’acte d’agression ?

Selon l’ article 3 § G, de la résolution 3314 de l’ ONU , l’ agression est définit aussi comme : « L'envoi par un Etat ou en son nom de bandes ou de groupes armés, de forces irrégulières ou de mercenaires qui se livrent à des actes de force armée contre un autre Etat d'une gravité telle qu'ils équivalent aux actes énumérés ci-dessus, ou le fait de s'engager d'une manière substantielle dans une telle action. »

Selon le rapport des experts de l’ONU, le Rwanda soutien le groupe rebelle M23 par des munitions d’armes et d’équipement militaires. Si non restons dans le contexte du § G de l’art 3 de la résolution 3314, on qualifierait le soutien de Rwanda au M23 de l’agression, car il s’agit du soutien d’un groupe armé rebelle qui combat contre les forces régulières de la République Démocratique du Congo. Dans le contexte du § G, il s’agit d’une agression par voie indirecte, d’une manière substantielle, car le soutien d’un groupe rebelle armé c’est une manière de l’inciter à des opérations militaire au détriment de la paix et la sécurité sur le territoire de l’Etat agressé.

Dans une seconde hypothèse en tenant compte du rapport de nations –Unies, c’est l’hypothèse la plus grave. En effet les experts de l’ONU dans le rapport affirment la présence des forces armées de la défense rwandaise et la présence des armes qui ne sont pas de l’arsenal des Forces armées de la République Démocratique du Congo. Dans ce contexte il s’agit d’un soutien direct du Rwanda au M 23, nous pouvons nous rappeler du discours du Chef de l’Etat de la RDC qui a affirmé que son pays est victime de l’agression directe de Rwanda et d’une occupation. Dans ce contexte un soutien directe affirmé par les experts onusiens on qualifierait cela de l’agression directe du Rwanda contre la République démocratique du Congo.

Jusqu’ à présent les nations-Unies n’ont pas qualifié le soutien du Rwanda au M23 comme un acte d’agression, et aucun Etat dans son discours d’interpellation au Rwanda n’a mentionné ce soutien d’agression. Mais tout en analysant les données et ce qui est définit comme agression en droit international le soutien du Rwanda au M23 serait qualifié d’agression.

Conclusion

La résolution 3314 nous donne une définition de l’agression, qui serait reprise par le Statut de Rome sur la CPI, et la jurisprudence l’arrêt de la CIJ sur les activités militaires et paramilitaire au Nicaragua développe la question de l’agression.

Dans le contexte précis de la République Démocratique du Congo et le soutien du Rwanda le groupe armé M23, bien entendu que les preuves du rapport de nations-Unies établissent un lien clair et direct entre les opérations militaires du M23 et le soutien direct de Rwanda, d’ âpres la définition de l’agression proposé par la résolution 3314, on qualifierait ce soutien de l’agression contre la RD Congo. Ou faudrait –il trouver une autre qualification pour expliquer le soutien du Rwanda au M23 du point de vue du droit international plus encore mettre fin à cet acte illicite.

Toutefois, il nous faut retenir aux termes de l’art. 5 §2 de la résolution 3314 que l’agression est un crime contre la paix internationale et l’agression donne lieu à la responsabilité internationale. Aux termes du Statut de Rome art 8bis, les responsables et décideurs politiques engagent leur responsabilité pénale individuelle face à l’acte d’agression.

Source (s)

Commentaires




UESCOM COMMUNITY