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Double nationalité

Cet article présente un bref aperçu de la question de la nationalité congolaise, et aborde sommairement le débat controversé relatif à la double nationalité en droit positif congolais. En effet, à la suite d’un petit sondage effectué au Maroc auprès de quelques étudiants congolais sur la notion de nationalité, il nous est apparu que chez la plupart cette notion est encore grandement ignorée. C’est en raison de cela que cet article se propose de faire brièvement le point sur la procédure d’acquisition de la nationalité congolaise en effleurant la double nationalité. Pour ce faire, nous allons mobiliser la technique juridique en passant en revue les dispositions juridiques en la matière, et l’approche sociologie du droit pour comprendre l’application ou le fonctionnement du principe de l’unicité et de l’exclusivité de la nationalité congolaise.


Auteur (e) : Esther Mboyo Katamu - Etudiante en Master 1 de Droit Public et Sciences Politiques à la FSJES Rabat-Agdal - Université Mohammed V
Article Publié le 15 Nov 2022 à 08:00 PM

Premiers pas

La nationalité est un lien juridique qui unit une personne à un Etat donné. Si dans la Rome antique, la citoyenneté romaine était un grand privilège, la nationalité à l’ère actuelle est indispensable à chaque individu. La Cour interaméricaine des droits de l’Homme définit la nationalité comme : « lien politique et juridique qui lie une personne à un Etat par les liens d’ allégeance et de loyauté , lui donnant droit à la protection diplomatique de cet Etat » Cette définition de la Cour interaméricaine des droits de l’Homme nous révèle ce qui suit :

La nationalité comme étant un lien juridique et politique : cette dernière confère à une personne certaines prérogatives. Elle permet à une personne d’avoir la position d’un citoyen dans un Etat, et cette position est attachée à des droits et obligations. En parlant des droits, il y a les droits civils, politiques pour ne citer que cela , sans oublier les obligations de loyauté, fidélité envers sa nation, entendue comme cette entité géographique qui unit des personnes ayant un passé commun, les sentiments communs et cette volonté de vivre ensemble. C’est à ce niveau qu’apparaît le terme nationalisme ou patriotisme pour montrer l’appartenance sur le plan émotionnel, sentimental, la loyauté et la fidélité d’une personne à un Etat.

La nationalité confère à une personne la protection diplomatique de l’Etat auquel elle appartient. Toute personne possédant la nationalité d’un Etat donné, a droit à la protection diplomatique de l’Etat auquel elle appartient, et cela qu’elle soit sur le territoire national ou à l’étranger. Tout Etat doit protection diplomatique à tous ses citoyens, tant à ceux se trouvant à l’étranger qu'à ceux étant sur son territoire. La protection diplomatique est un droit de tout individu appartenant à un Etat donné.

L’article 15 de la DUDH et l’art. 24 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques posent le principe que la nationalité est un droit fondamental d’un Homme et que tout Homme a droit à une nationalité . Le droit international accorde ce pouvoir discrétionnaire à chaque Etat en ce qui concerne la détermination des critères d’acquisition de sa nationalité tout en tenant compte de la Convention sur la réduction des cas des apatrides de 1961. De ce fait le droit positif congolais dispose les règles sur la question de la nationalité congolaise et les critères pour l’acquérir. En effet la Constitution congolaise de 2006 telle modifiée en 2011, dans son article 10 avance : « La nationalité congolaise est une et exclusive. Elle ne peut être détenue concurremment avec aucune autre. La nationalité congolaise est soit d’origine, soit d’acquisition individuelle. Est Congolais d’origine, toute personne appartenant aux groupes ethniques dont les personnes et le territoire constituaient ce qui est devenu le Congo (présentement la République Démocratique du Congo) à l’indépendance. Une loi organique détermine les conditions de reconnaissance, d’acquisition, de perte et de recouvrement de la nationalité congolaise. » 4 . Le Code congolais de la famille livre premier apporte plus de précision sur la question de la nationalité congolaise. L’intérêt de cet article est de nous permettre de connaître les règles juridiques sur la nationalité congolaise mais aussi d’analyser ces dispositions juridiques notamment sur la question de l’acquisition de la double nationalité. La problématique tourne autour de la question de l’hypothèse de l’acquisition d’une double nationalité d’après le droit positif congolais.

La nationalité en droit positif congolais

La loi n ° 87.010 du 1èr août 1987 portant Code de la famille dans son article premier pose le principe de l’Unicité et de l’Exclusivité de la nationalité congolaise5 . Ce principe sera ensuite repris par le constituant congolais dans la Constitution de 2006 telle modifiée en 2011. Selon les dispositions juridiques, la nationalité congolaise est unique et exclusive. Ce principe veut justement dire que la nationalité congolaise rend caduque toute autre nationalité. Toute personne ayant la nationalité congolaise d’origine ou par acquisition ne peut pas avoir une autre nationalité. Toute personne qui acquiert une autre nationalité perd automatiquement la nationalité congolaise. C’est ce principe qui rend impossible l’acquisition d’une double nationalité chez chaque personne détenant la nationalité congolaise. La Constitution dans son article 10 alinéa 2 dispose que la nationalité congolaise est soit d’origine ou d’acquisition individuelle. A ce niveau nous retournons aux dispositions de la loi n° 04/024 du 12 novembre 2004 relative à la nationalité congolaise ; au niveau du préambule, explique le principe de deux statuts juridiques sur la nationalité congolaise à savoir : la nationalité d’origine congolaise et la nationalité congolaise par acquisition.

Il est important également pour nous de comprendre la différence entre la nationalité congolaise d’origine et la nationalité congolaise par acquisition. En effet , une personne ayant la nationalité congolaise d’ origine, est celle dont l’appartenance à la République Démocratique du Congo a été établie dès sa naissance par deux éléments, à savoir sa filiation à l’égard d’un ou de deux parents congolais (jus sanguinis), son appartenance aux groupes ethniques et nationalités dont les personnes et le territoire constituaient ce qui est devenu le Congo (présentement la République Démocratique du Congo) à l’indépendance (jus sanguinis et jus soli) ou sa naissance en République Démocratique du Congo (jus soli).

Par contre en ce qui concerne la nationalité congolaise par acquisition elle s’acquiert par cinq modes selon les dispositions de la loi n ° 87.010 du 1er août 1987 portant code de la famille, plus précisément de la loi n° 04/024 du 12 novembre 2004 relative à la nationalité congolaise.

En effet la nationalité congolaise peut être acquise soit :

  1. L’acquisition de la nationalité congolaise par l’effet de la naturalisation ; art 11, 12 Code de la famille
  2. L’acquisition de la nationalité congolaise par l’effet de l’option ; Art 13, 14, 15, 16 Code de la famille
  3. L’acquisition de la nationalité congolaise par l’effet de l’adoption ; art 17 Code de la famille
  4. L’acquisition de la nationalité congolaise par l’effet du mariage ; art 18, 19,20 Code de la famille
  5. L’acquisition de la nationalité congolaise par l’effet de la naissance et de la résidence en République Démocratique du Congo, art 21 Code de la famille

Si la loi a tout prévu sur les deux statuts juridiques de la nationalité congolaise d’origine et par acquisition, elle a également prévu les hypothèses de perte, de déchéance et du recouvrement de la nationalité congolaise. Nous trouvons ces dispositions dans les articles 26 à 33 du Code de la famille.

L’application du principe de l’unicité et exclusivité de la nationalité congolaise

En premier lieu il nous faut comprendre dans quel contexte ce principe a été adopté pour un pays comme la R.D. Congo entouré de neuf pays frontaliers, agressé de part et d’autres, convoité pour ses richesses immenses, et dont les institutions sont susceptibles d’infiltration par les étrangers qui cherchent à acquérir la nationalité congolaise pour des objectifs inavouables etc. Bref, ce principe est censé être un garde-fou et une soupape de sécurité pour l’unité nationale et l’intégrité territoriale de la R.D. Congo.

Il faut reconnaitre qu’il y a des avantages à poser le principe d’une seule nationalité. En effet, à la fois du point de vue juridique et politique, on n'a des obligations à remplir qu’envers un seul et unique Etat et cela est un grand avantage. Dans le contexte de la R.D. Congo, le principe de la nationalité une et exclusive présente un avantage pour l’Etat congolais vu sa position géopolitique qui est stratégique, et face aux différents défis auxquels il fait face pour sauvegarder sa souveraineté et son intégrité territoriale.

Néanmoins, dans la réalité des choses, ce principe a du mal à s’appliquer. En effet, il n’y a pas un contrôle ou de sanctions rigoureuses contre des personnes qui violent, qui détiennent une nationalité étrangère. Il existe des congolais ayant une autre nationalité mais qui continuent de jouir de la nationalité congolaise. Au sein même des institutions censées faire appliquer la loi, on trouve des individus ayant une double, voire une triple nationalité.

Cela dit, il nous faut également savoir qu’ils existent plusieurs Congolais à l’étranger qui ont été contraints de changer de nationalité notamment pour des contextes économiques mais qui restent très attachés à la R.D. Congo où ils ont par exemple de la famille ou des intérêts économiques divers. Sur les papiers ces gens-là peuvent avoir une nationalité étrangère mais sentimentalement ils se reconnaissent et se sentent entièrement congolais.

Dans un monde en pleine mutation, les Etats sont de plus en plus ouverts à l’idée de souplesse et de facilité en matière de nationalité, permettant à leurs citoyens d’acquérir une ou plusieurs autres nationalités. De nos jours, il n’est pas rare d’entendre parler d’une personne franco-espagnole ou franco-malienne, d’anglo-américaine, belgo-française, mexico-canadienne etc.

Conclusion

Le droit positif congolais prône l’unicité et l’exclusivité de la nationalité congolaise, qui n’admet pas une autre nationalité. Mais le fonctionnement du principe de l’exclusivité de la nationalité est confrontée à la réalité du monde socio-politique moderne.

D’où le débat très controversé sur la question. Il y a d’une part ceux que l’on peut qualifier de conservateurs qui veulent à tout prix maintenir le verrouillage de la nationalité congolaise, et d’autre part ceux qui veulent plutôt ouvrir l’accès à d’autres nationalités pour les raisons qu’imposent les réalités de notre époque. C’est le dilemme auquel se trouve confronté la question de la nationalité. Faut-il changer la règlementation actuelle ou la maintenir ?

En tout état de cause, la Souveraineté revient au peuple congolais de décider, soit de garder ce principe ou de le changer par voie de référendum.

Source (s)

Commentaires




Maolipre@gmail.com

19 Nov 2022 à 10:24 AM

Très bel article, félicitations !

justiabualuti1@gmail.com

18 Nov 2022 à 09:08 PM

J'aime bcp le concept utilisé sur cet article et je suis ravi d'y avoir pris part malgré les difficultés rencontrées lors de la réalisation 😅😅😅🇨🇩🇨🇩

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